Les annonces de Libération au Figaro, des médias sans influence politique ?
Jules Rostand |
22/04/2022 |
Cette publicité diffusée par Libération la veille du débat de l'entre-deux-tours met en avant les propos de Jean Castex. Reprenant, selon un procédé classique des annonces sur les réseaux sociaux, une citation de la personne à l'écran, cette publicité sert de promotion au journal en même temps qu'elle lui permet de défendre une conception particulière de l'intérêt de la Nation. Avec un lien qui renvoie vers l'application de Libé, la citation comme l'image sont d’abord, ici, au service d'une démarche commerciale. Mais l'illustration choisie, celle de Jean Castex dans l'exercice de ses fonctions de Premier Ministre, donne également au propos une autorité dans laquelle se reconnaît implicitement le quotidien. Cette position est le reflet de la position dite de barrage à l'extrême-droite, adoptée par ce journal ancré à gauche dont les Unes sont un objet sémiotique en soi. Le « front républicain » dont il est question ici est une position largement partagée, certes à des degrés divers, par l'ensemble des médias traditionnels. Comme Libération l'a fait pour Jean Castex, Le Figaro met en exergue la figure d'Emmanuel Macron, et place dans le texte, sans même citer son nom, la sentence comminatoire du président-candidat : « le vrai visage de l'extrême droite revient ».
Ces deux publicités ont été supprimées de la bibliothèque publicitaire de Meta dès le vendredi 22 avril, sans qu’il soit possible de connaître ni l’origine de ces disparitions ni l’ampleur de leurs éventuelles diffusions. En dépit de contenus engagés, les publicités des journaux n’apparaissent en effet pas dans la catégorie politique mis en place par les plateformes en ligne permettant de faire l’entière transparence à ce sujet. Pour prendre un exemple encore en ligne, lorsque Le Monde signale que le projet de Marine Le Pen est incompatible avec le cadre constitutionnel actuel, tout se passe ainsi comme ci, du point de vue de la publicité sur les plateformes, le quotidien ne réalise qu'une activité promotionnelle ou commerciale. Pourtant, il est clair, et encore davantage en période de campagne, que ces publicités sont susceptibles d'exercer une influence sur l'opinion publique. Cette situation s’explique par le régime de transparence voulue par le législateur pour la publicité politique sur les réseaux sociaux, qui repose à la fois sur l’auto-déclaration des annonceurs et sur la modération par les plateformes. L’auto-déclaration entraîne alors un effet de sélection des acteurs, en fonction de leurs représentations d’eux-mêmes comme de leurs intentions. La déclaration de l’ensemble des annonces de Médiapart prend ainsi sens à la lueur de leur engagement politique, tandis que cette absence de déclaration de la part des médias traditionnels peut se lire comme un lointain écho de la posture de neutralité factuelle du journalisme.
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Pour explorer les publicités de Libération, voir le tableau de bord de la page sur la bibliothèque publicitaire de Meta.Derniers articles
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